Une mode toxique pour la santé des consommateurs et professionnels de l'habillement en France et en Europe
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Une multitude de produits chimiques toxiques retrouvés dans des vêtements et des chaussures chez Zara, H&M, Mango, Shein, Vero Moda, Diesel, Calvin Klein, Only, Giorgio Armani et bien d'autres
L'industrie textile utilise 25 %, soit un quart, des produits chimiques produits dans le monde. Les substances comme les éthoxylates de nonylphénols, les phtalates (des perturbateurs endocriniens), certains colorants azoïques et le formaldéhyde (des substances cancérigènes), qui sont utilisés dans la teinture et le traitement des vêtements, sont toxiques pour les ouvriers fabricants les vêtements, ceux qui les portent et sont responsables de 20 % de la pollution des eaux dans le monde.En 2012, selon un rapport de Greenpeace, sur 141 vêtements testés par l'Organisation Non Gouvernementale, 63 % contenaient des éthoxylates de nonylphénols (NPE). Ces vêtements provenaient de marques comme Zara, H&M, Giorgio Armani, C&A, Calvin Klein, Diesel, Mango, Only, Tommy Hilfiger, Vero Moda et Victoria's secret. Ces nonylphénols sont des composés organiques synthétiques toxiques, bioaccumulables et perturbateurs endocriniens. Ils ont donc un effet sur la fertilité, la reproduction et la croissance.
En 2016, Greenpeace a aussi retrouvé des PFC (des composés perfluorés ou polyfluorés) dans des vêtements, des chaussures, des tentes, des sacs à dos, des cordes et des sacs de couchage de marques de sport. Les PFC sont des polymères chimiques qui font partie des six principaux gaz à effet de serre, notamment utilisés dans les articles afin de les rendre imperméables et antitaches. Ces composés sont très volatiles. Et, une fois présents dans l'environnement, ils se dégradent très lentement et peuvent s’immiscer dans la chaîne alimentaire, dans l'eau et la neige, où ils ont été localisés dans huit régions de montagne dans le monde.
Plus récemment, en 2022, Greenpeace a retrouvé des phtalates (des perturbateurs endocriniens) et du formaldéhyde (une substance cancérigène) dans des chaussures et des vêtements pour hommes, femmes et enfants de la marque chinoise Shein.
D'autre part, en 2019, Ikea et H&M ont réalisé une étude et ont collecté 166 échantillons de textiles à base de coton, provenant pour la plupart de vêtements donnés, mais aussi de certains déchets de pré-consommation. Ceux-ci ont été déchiquetés avant de passer au travers de 8 000 tests chimiques. L'étude a révélé que plus de 20 % des échantillons post-consommation contenaient des alkylphénols éthoxylés (des perturbateurs endocriniens) et que 10 % de ces échantillons contenaient également du formaldéhyde (une substance cancérigène) ainsi que des concentrations détectables de métaux lourds (substances cancérigènes), d’organoétains, d’HAP (hydrocarbures polyaromatiques et substances cancérigènes) et de phtalates (des perturbateurs endocriniens).
Les substances chimiques toxiques retrouvées dans les vêtements, vectrices de graves maladies chez les consommateurs et professionnels de la vente du prêt-à-porter
À l'échelle européenne, 300 millions de tonnes de substances chimiques sortent des usines chaque année selon Eurostat, l'office statistique de l'Union Européenne. D'après l'Agence européenne de l'environnement, 74 % d'entre elles sont "dangereuses pour la santé ou l'environnement". Parmi ces substances, souligne le média TF1, on trouve la famille des PVC (polychlorures de vinyle), un plastique très peu recyclable mais présent partout notamment dans les textiles ou dans les chaussures. Aux côtés de leurs additifs, comme les métaux lourds, ils sont accusés d'être liés à des cas de cancers ou d'obésité."Les PFAS ne se décomposent pas naturellement et s'accumulent chez les animaux, y compris les humains, et sont liés au cancer, aux malformations congénitales, aux maladies du foie, aux maladies de la thyroïde, à la diminution de l'immunité, à la perturbation hormonale et à une série d'autres problèmes de santé graves."
En 2021, le journal britannique The Guardian relayait les conclusions d'une étude menée par l'Université du Rhode Island et du Green Science Policy Institute. Après avoir testé l'air intérieur sur 20 sites, ceux-ci y ont détecté des PFAS (des composés perfluoroalkylés et polyfluoroalkylés) dans 17 endroits. Les chercheurs pensent que les composés en suspension dans l'air se sont séparés des produits traités au PFAS tels que les tapis et les vêtements, puis qu'ils s'attachent à la poussière ou flottent librement dans l'environnement intérieur. Les chercheurs avaient déjà connaissance de notre exposition aux PFAS via l'eau et l'alimentation. Ils s'inquiètent désormais de cette troisième source d'exposition aux PFAS, via l'air et l'inhalation, qui leur était jusqu'alors inconnue. Selon les chercheurs ayant réalisé l'étude, nous passons 90 % de leur temps à l'intérieur. Les PFAS, ou substances per- et polyfluoroalkyles, sont une classe d'environ 9 000 composés utilisés pour rendre les produits résistants à l'eau, aux tâches ou à la chaleur, ils sont utilisés dans les chaussures notamment ou pour rendre imperméable un vêtement par exemple.
Les PFAS sont surnommés "produits chimiques pour toujours" : ils ne se décomposent pas naturellement et s'accumulent chez les animaux, chez les humains, et sont liés au cancer, aux malformations congénitales, aux maladies du foie, aux maladies de la thyroïde, à la diminution de l'immunité, à la perturbation hormonale et à une série d'autres problèmes de santé graves.
L'article évoque également une étude de 2017 ayant mis en évidence un lien entre des niveaux élevés de PFAS dans l'air et dans le sérum du sang humain. Pour le chercheur nommé Bruton, tant qu'il y aura des PFAS dans les produits que nous avons autour de nous dans nos maisons et dans nos vies, il y en aura une certaine quantité qui finira dans l'air, dans la poussière et que nous finirons par respirer.
L'un des PFAS les plus répandu est le FTOH 6:2, l'article du journal The Guardian évoque aussi cette "sous-substance" chimique pour alerter et affirmer que la science de l'industrie, les agences fédérales et les chercheurs indépendants la relient désormais aux maladies rénales, au cancer, aux lésions neurologiques, aux problèmes de développement, aux dents tachetées et aux troubles auto-immuns. Les chercheurs ont également constaté des taux de mortalité plus élevés chez les jeunes animaux et les "mères humaines" qui ont été exposées à cette "sous-substance".
D'autre part, dès les années 1990, une série d'études avait aussi mis en évidence le lien entre le polyester et l'infertilité chez les rats, les chiens et les hommes portant du polyester dans leurs sous-vêtements ou leurs pantalons et la survenue de fausses-couches chez des chiennes et donc potentiellement les femmes portant des sous-vêtements en polyester pendant leur grossesse.
"En France, au Mans, une vendeuse en prêt-à-porter a été victime de plusieurs fausses-couches, d'infertilité et d'allergies cutanées suite à l'ouverture de cartons de produits textiles."L’historienne, chercheuse et autrice Audrey Millet, auteure du livre "Le livre noir de la mode : Création, production, manipulation" (2021), confiait, en 2021, dans une interview au micro du média Nouveau Modèle, que les produits chimiques utilisés pour fabriquer nos vêtements peuvent être liés à des cas de cancers et sont responsables d’allergies et d'infertilité ici en Europe. Pour elle, il s'agit d'un "empoisonnement continu". Audrey Millet y raconte aussi les histoires de travailleurs européens exerçant dans l'industrie textile :
- En France, au Mans, une vendeuse en prêt-à-porter a été victime de plusieurs fausses-couches, d'infertilité et d'allergies cutanées suite à l'ouverture de cartons de produits textiles,
- Une repasseuse de jeans en Allemagne, travaillant pour la marque Esprit, a été consulter un médecin pour des problèmes d'ordre respiratoire et on a retrouvé dans son sang des métaux extrêmement dangereux,
- Une étalagiste d'une boutique H&M chez qui ont été retrouvé des métaux similaires dans le sang,
- Les ouvriers des ports du Havre qui aèrent les conteneurs pendant une heure ou deux, avant de pouvoir passer à leur contrôle et à ceux des produits textiles qui y sont stockés. Lorsqu'ils contrôlent les cartons de produits textile, ils sont munis d'une combinaison recouvrant totalement leur corps et d'un masque. Ce sont ces mêmes cartons qui seront ensuite stockés dans des sous-sols non aérés dans les boutiques de prêt-à-porter et manipulés à mains nues, sans aucune forme de protection, par les équipes de vente de celles-ci.
Depuis 2016, l'Anses, l'Agence Nationale de Sécurité en France s'inquiète des substances chimiques toxiques contenues dans les produits textiles et a demandé, en 2022, une règlementation plus stricte
Entre 2016 et 2018, l’Anses, l'Agence Nationale de Sécurité française, a conduit une recherche biomédicale dont l’objectif était d’identifier les substances chimiques contenues dans des textiles et qui ont été responsables d’allergies cutanées chez 50 patients suite à une suspicion par un dermato-allergologue. Deux laboratoires ont ensuite confirmé la présence de ces substances par des analyses des vêtements ou des chaussures que les patients avaient portés.En 2018, l'Anses a alors alerté en publiant un rapport d'expertise et des recommandations visant à protéger les consommateurs des substances chimiques toxiques (des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction) présentes dans les produits textiles étudiés.
Le média Libération relate, ayant observé les conclusions de l'étude, que du 1,4-paraphénylène diamine (allergisant et cancérigène suspecté), de l'aniline (toxique par ingestion, inhalation : provoque un bleuissement des lèvres, des ongles et de la peau, des maux de tête, des vertiges, des nausées, des vomissements, de la faiblesse, une respiration difficile et des convulsions et au contact cutané des rougeurs), du benzoate de benzyle (toxique par inhalation : provoque de la toux, des problèmes respiratoires et par contact cutané : provoque des rougeurs et la sécheresse de la peau), de l'acétophanone azine (allergisant au contact cutané) et des CMR (des substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) : du formaldéhyde, du para-tertbutylphénol, du chrome VI, du nickel, du 3,3'-diméthoxybenzidine, de la benzidine, du 4-amino-azobenzène, de l'HAP et du cadmium avaient alors été détectés dans les vêtements et chaussures testées. Du chrome (un cancérogène et sensibilisant cutané), de la paraphénylènediamine (substance présente dans les colorants, allergisant et cancérigène suspecté) ou encore des nonylphénols (NP) et nonylphénols éthoxylates (NPEO, utilisés comme auxiliaires pour le nettoyage et le rinçage, mais aussi pour teindre et blanchir les textiles et substances perturbateurs endocriniens) ont aussi été retrouvés dans 20 % des textiles analysés. Par ailleurs, 16 % des échantillons comportaient des métaux lourds comme le cobalt, le cuivre, l'antimoine, le plomb, le cadmium et le mercure (produits cancérigènes pour certains ou responsables de graves effets néfastes sur la santé humaine).
Après lavage des textiles, l'Anses a aussi pu constater que les NPEO et les NP avaient été éliminés du produit textile mais que la concentrations de la substance 1,4-paraphénylène augmentait, le procédé de lavage activant la substance chimique. Enfin, toujours selon Libération, l'étude de l'Anses a également révélé la présence de colophane (utilisée dans les colles) dans 36 % des cas et du 2-mercaptobenzothiazole (substance cancérigène) dans toutes les élastiques de plusieurs échantillons.
"En 2022, l'Anses, l'Agence Nationale de Sécurité française a informé avoir retrouvé des dizaines voire des centaines de substances chimiques dans les vêtements et chaussures que nous portons, issues des colorants, des résidus ou des impuretés et présentes en plus ou moins grande concentration."Le 9 mars 2022, l'Anses a publié un communiqué et informé avoir retrouvé des dizaines voire des centaines de substances chimiques dans les vêtements et chaussures que nous portons, issues des colorants, des résidus ou des impuretés et présentes en plus ou moins grande concentration. Elle précisait alors que la réglementation européenne actuelle encadre seulement 12 substances chimiques ou familles de substances connues pour être des allergisants cutanés, à l’image du chrome VI ou du nickel.
Ainsi, via ce même communiqué datant de mars 2022, elle demandait :
- Une restriction pour plus de 1 000 substances sensibilisantes cutanées,
- De limiter la présence de substances dont le potentiel allergisant était connu mais pour lesquelles aucune réglementation ne s’appliquait,
- D'interdire la présence de tous les colorants dits « dispersés » qui servent notamment à la coloration des fibres synthétiques. Ces colorants sont en effet souvent en cause dans la survenue d’allergies cutanées,
- D'abaisser les seuils réglementaires du nickel et du chrome VI qui n’étaient pas suffisamment protecteurs puisqu’ils ont continué à causer des allergies.